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CH. X. ÉTABLISSEMENT DE LA DÉMOCRATIE.

où le principal élément de la richesse était la possession du sol, la classe riche fut plus longtemps respectée et plus longtemps maîtresse ; et qu’au contraire dans les cités, comme Athènes, où il y avait peu de fortunes territoriales et où l’on s’enrichissait surtout par l’industrie et le commerce, l’instabilité des fortunes éveilla plus tôt les convoitises ou les espérances des classes inférieures, et l’aristocratie fut plus tôt attaquée.

Les riches de Rome résistèrent beaucoup mieux que ceux de la Grèce ; cela tient à des causes que nous dirons plus loin. Mais quand on lit l’histoire grecque, on remarque avec quelque surprise combien l’aristocratie nouvelle se défendit faiblement. Il est vrai qu’elle ne pouvait pas, comme les eupatrides, opposer à ses adversaires le grand et puissant argument de la tradition et de la piété. Elle ne pouvait pas appeler à son secours les ancêtres et les dieux. Elle n’avait pas de point d’appui dans ses propres croyances ; elle n’avait pas foi dans la légitimité de ses priviléges.

Elle avait bien la force des armes ; mais cette supériorité même finit par lui manquer. Les constitutions que les États se donnent, dureraient sans doute plus longtemps si chaque État pouvait demeurer dans l’isolement, ou si du moins il pouvait vivre toujours en paix. Mais la guerre dérange les rouages des constitutions et hâte les changements. Or entre ces cités de la Grèce et de l’Italie l’état de guerre était presque perpétuel. C’était sur la classe riche que le service militaire pesait le plus lourdement puisque c’était elle qui occupait le premier rang dans les batailles. Souvent, au retour d’une campagne, elle rentrait dans la ville, décimée et affaiblie, hors d’état par conséquent de tenir tête au