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CH. XII. RICHES ET PAUVRES ; LES TYRANS.

personne. Là où il y avait du commerce, presque tous les bénéfices en étaient pour les riches, par suite du prix exagéré de l’argent. S’il y avait de l’industrie, les travailleurs étaient des esclaves. On sait que le riche d’Athènes ou de Rome avait dans sa maison des ateliers de tisserands, de ciseleurs, d’armuriers, tous esclaves. Même les professions libérales étaient à peu près fermées au citoyen. Le médecin était souvent un esclave qui guérissait les malades au profit de son maître. Les commis de banque, beaucoup d’architectes, les constructeurs de navires, les bas fonctionnaires de l’État, étaient des esclaves. L’esclavage était un fléau dont la société libre souffrait elle-même. Le citoyen trouvait peu d’emplois, peu de travail. Le manque d’occupation le rendait bientôt paresseux. Comme il ne voyait travailler que les esclaves, il méprisait le travail. Ainsi les habitudes économiques, les dispositions morales, les préjugés, tout se réunissait pour empêcher le pauvre de sortir de sa misère et de vivre honnêtement. La richesse et la pauvreté n’étaient pas constituées de manière à pouvoir vivre en paix.

Le pauvre avait l’égalité des droits. Mais assurément ses souffrances journalières lui faisaient penser que l’égalité des fortunes eût été bien préférable. Or il ne fut pas longtemps sans s’apercevoir que l’égalité qu’il avait, pouvait lui servir à acquérir celle qu’il n’avait pas, et que, maître des suffrages, il pouvait devenir maître de la richesse.

Il commença par vouloir vivre de son droit de suffrage. Il se fit payer pour assister à l’assemblée, ou pour juger dans les tribunaux. Si la cité n’était pas assez riche pour subvenir à de telles dépenses, le pauvre avait d’au-