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LIVRE IV. LES RÉVOLUTIONS.

quelque nouvelle victime ; et à la fin le nombre de riches qu’on dépouilla et qu’on exila devint si grand, qu’ils formèrent une armée[1]. »

En 412, « le peuple de Samos fit périr deux cents de ses adversaires, en exila quatre cents autres, et se partagea leurs terres et leurs maisons[2]. »

À Syracuse, le peuple fut à peine délivré du tyran Denys que dès la première assemblée il décréta le partage des terres[3].

Dans cette période de l’histoire grecque, toutes les fois que nous voyons une guerre civile, les riches sont dans un parti et les pauvres dans l’autre. Les pauvres veulent s’emparer de la richesse, les riches veulent la conserver ou la reprendre. « Dans toute guerre civile, dit un historien grec, il s’agit de déplacer les fortunes[4]. » Tout démagogue faisait comme ce Molpagoras de Cios[5], qui livrait à la multitude ceux qui possédaient de l’argent, massacrait les uns, exilait les autres, et distribuait leurs biens entre les pauvres. À Messène, dès que le parti populaire prit le dessus, il exila les riches et partagea leurs terres.

Les classes élevées n’ont jamais eu chez les anciens asse d’intelligence ni assez d’habileté pour tourner les pauvres vers le travail et les aider à sortir honorablement de la misère et de la corruption. Quelques hommes de cœur l’ont essayé ; ils n’y ont pas réussi. Il résultait de là que les cités flottaient toujours entre deux révolutions, l’une qui dépouillait les riches, l’autre qui les remettait en possession de leur fortune. Cela dura de-

  1. Aristote, Pol., VIII, 4 (V, 4).
  2. Thucydide, VIII, 21.
  3. Plutarque, Dion, 37, 48.
  4. Polybe, XV, 21.
  5. Polybe, VII, 10.