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CH. XII. RICHES ET PAUVRES ; LES TYRANS.

à l’époque où les révolutions nous ont conduits, ces vieilles croyances sont abandonnées et la religion de la propriété a disparu. La richesse n’est plus un terrain sacré et inviolable. Elle ne paraît plus un don des dieux, mais un don du hasard. On a le désir de s’en emparer, en dépouillant celui qui la possède ; et ce désir, qui autrefois eût paru une impiété, commence à paraître légitime. On ne voit plus le principe supérieur qui consacre le droit de propriété ; chacun ne sent que son propre besoin et mesure sur lui son droit.

Nous avons déjà dit que la cité, surtout chez les Grecs, avait un pouvoir sans limites, que la liberté était inconnue, et que le droit individuel n’était rien vis-à-vis de la volonté de l’État. Il résultait de là que la majorité des suffrages pouvait décréter la confiscation des biens des riches, et que les Grecs ne voyaient en cela ni illégalité ni injustice. Ce que l’État avait prononcé, était le droit. Cette absence de liberté individuelle a été une cause de malheurs et de désordres pour la Grèce. Rome, qui respectait un peu plus le droit de l’homme, a aussi moins souffert.

Plutarque raconte qu’à Mégare, après une insurrection, on décréta que les dettes seraient abolies, et que les créanciers, outre la perte du capital, seraient tenus de rembourser les intérêts déjà payés[1].

« À Mégare, comme dans d’autres villes, dit Aristote, le parti populaire s’étant emparé du pouvoir, commença par prononcer la confiscation des biens contre quelques familles riches. Mais une fois dans cette voie, il ne lui fut pas possible de s’arrêter. Il fallut faire chaque jour

  1. Plutarque, Quest. grecq., 18.