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LIVRE V. LE RÉGIME MUNICIPAL DISPARAÎT.

Il est vrai que la démocratie finit par l’emporter dans Rome, mais, alors même, les procédés et ce qu’on pourrait appeler les artifices du gouvernement restèrent aristocratiques. Dans les comices par centuries, les voix étaient réparties d’après la richesse. Il n’en était pas tout à fait autrement des comices par tribus ; en droit, nulle distinction de richesse n’y était admise ; en fait, la classe pauvre, étant enfermée dans les quatre tribus urbaines, n’avait que quatre suffrages à opposer aux trente et un de la classe des propriétaires. D’ailleurs, rien n’était plus calme, à l’ordinaire, que ces réunions ; nul n’y parlait que le président ou celui à qui il donnait la parole ; on n’y écoutait guère d’orateurs ; on y discutait peu ; tout se réduisait, le plus souvent, à voter par oui ou par non, et à compter les votes ; cette dernière opération étant fort compliquée demandait beaucoup de temps et beaucoup de calme. Il faut ajouter à cela que le Sénat n’était pas renouvelé tous les ans, comme dans les cités démocratiques de la Grèce ; il était à vie, et se recrutait à peu près lui-même ; il était véritablement un corps oligarchique.

Les mœurs étaient encore plus aristocratiques que les institutions. Les sénateurs avaient des places réservées au théâtre. Les riches seuls servaient dans la cavalerie. Les grades de l’armée étaient en grande partie réservés aux jeunes gens des grandes familles ; Scipion n’avait pas seize ans qu’il commandait déjà un escadron.

La domination de la classe riche se soutint à Rome plus longtemps que dans aucune autre ville. Cela tient à deux causes. L’une est que l’on fit de grandes conquêtes, et que les profits en furent pour la classe qui