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LIVRE V. LE RÉGIME MUNICIPAL DISPARAÎT.

qu’il était complet, ensuite parce qu’il était un privilége. Par lui, on figurait dans les comices de la ville la plus puissante de l’Italie ; on pouvait être consul, et commander des légions. Il avait aussi de quoi satisfaire les ambitions plus modestes ; grâce à lui, on pouvait s’allier par mariage à une famille romaine ; on pouvait s’établir à Rome et y être propriétaire ; on pouvait faire le négoce dans Rome, qui devenait déjà l’une des premières places de commerce du monde. On pouvait entrer dans les compagnies de publicains, c’est-à-dire prendre part aux énormes bénéfices que procurait la perception des impôts ou la spéculation sur les terres de l’ager publicus. En quelque lieu qu’on habitât, on était protégé très-efficacement ; on échappait à l’autorité des magistrats municipaux, et l’on était à l’abri des caprices des magistrats romains eux-mêmes. À être citoyen de Rome on gagnait honneurs, richesse, sécurité.

Les Latins se montrèrent donc empressés à rechercher ce titre et usèrent de toutes sortes de moyens pour l’acquérir. Un jour que Rome voulut se montrer un peu sévère, elle découvrit que 12 000 d’entre eux l’avaient obtenu par fraude.

Ordinairement Rome fermait les yeux, songeant que par là sa population s’augmentait et que les pertes de la guerre étaient réparées. Mais les villes latines souffraient ; leurs plus riches habitants devenaient citoyens romains, et le Latium s’appauvrissait. L’impôt, dont les plus riches étaient exempts à titre de citoyens romains, devenait de plus en plus lourd, et le contingent de soldats qu’il fallait fournir à Rome, était chaque année plus difficile à compléter. Plus était grand le nombre de ceux qui obtenaient le droit de cité, plus était dure la condi-