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Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/57

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CH. II. LE MARIAGE.

Dans l’une d’elles, une jeune fille prend part depuis son enfance à la religion de son père ; elle invoque son foyer ; elle lui offre chaque jour des libations, l’entoure de fleurs et de guirlandes aux jours de fête, lui demande sa protection, le remercie de ses bienfaits. Ce foyer paternel est son dieu. Qu’un jeune homme de la famille voisine la demande en mariage, il s’agit pour elle de bien autre chose que de passer d’une maison dans une autre. Il s’agit d’abandonner le foyer paternel pour aller invoquer désormais le foyer de l’époux. Il s’agit de changer de religion, de pratiquer d’autres rites et de prononcer d’autres prières. Il s’agit de quitter le dieu de son enfance pour se mettre sous l’empire d’un dieu qu’elle ne connaît pas. Qu’elle n’espère pas rester fidèle à l’un en honorant l’autre ; car dans cette religion c’est un principe immuable qu’une même personne ne peut pas invoquer deux foyers ni deux séries d’ancêtres. « À partir du mariage, dit un ancien, la femme n’a plus rien de commun avec la religion domestique de ses pères ; elle sacrifie au foyer du mari[1]. »

Le mariage est donc un acte grave pour la jeune fille, non moins grave pour l’époux. Car cette religion veut que l’on soit né près du foyer pour qu’on ait le droit d’y sacrifier. Et cependant il va introduire près de son foyer une étrangère ; avec elle il fera les cérémonies mystérieuses de son culte ; il lui révélera les rites et les formules qui sont le patrimoine de sa famille. Il n’a rien de plus précieux que cet héritage ; ces dieux, ces rites, ces hymnes, qu’il tient de ses pères, c’est ce qui le protége dans la vie, c’est ce qui lui promet la richesse, le bonheur, la vertu. Cependant au lieu de garder pour soi

  1. Étienne de Byzance, πάτρα.