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Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1864.djvu/58

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LIVRE II. LA FAMILLE.

cette puissance tutélaire, comme le sauvage garde son idole ou son amulette, il va admettre une femme à la partager avec lui.

Ainsi quand on pénètre dans les pensées de ces anciens hommes, on voit de quelle importance était pour eux l’union conjugale, et combien l’intervention de la religion y était nécessaire. Ne fallait-il pas que par quelque cérémonie sacrée la jeune fille fût initiée au culte qu’elle allait suivre désormais ? Pour devenir prêtresse de ce foyer, auquel la naissance ne l’attachait pas, ne lui fallait-il pas une sorte d’ordination ou d’adoption ?

Le mariage était la cérémonie sainte qui devait produire ces grands effets. Il est habituel aux écrivains latins ou grecs de désigner le mariage par des mots qui indiquent un acte religieux[1]. Pollux, qui vivait au temps des Antonins, mais qui était fort instruit des vieux usages et de la vieille langue, dit que dans les anciens temps, au lieu de désigner le mariage par son nom particulier (γάμος), on le désignait simplement par le mot τέλος, qui signifie cérémonie sacrée[2] ; comme si le mariage avait été, dans ces temps anciens, la cérémonie sacrée par excellence.

Or la religion qui faisait le mariage n’était pas celle de Jupiter, de Junon ou des autres dieux de l’Olympe. La cérémonie n’avait pas lieu dans un temple ; elle était accomplie dans la maison, et c’était le dieu domestique qui y présidait. À la vérité, quand la religion des dieux du ciel devint prépondérante, on ne put s’empêcher de les invoquer aussi dans les prières du mariage ;

  1. θύειν γάμον ou γαμήλια. Pollux, VIII, 107. Démosth., p. 1312, 1320, τέλος γάμοιο, Hom., Odyss., XX, 74. Sacrum nuptiale, Tite-Live, XXX, 14.
  2. Pollux, III, 3, 38.