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LIVRE II. LA FAMILLE.

nèbre ; il présente un gâteau aux mânes de son père, un autre à son grand-père paternel, un troisième à son arrière-grand-père paternel, jamais à ceux dont il descend par les femmes, ni à sa mère ni au père de sa mère. Puis, en remontant plus haut, mais toujours dans la même ligne, il fait une offrande au quatrième, au cinquième, au sixième ascendant. Seulement pour ceux-ci l’offrande est plus légère ; c’est une simple libation d’eau et quelques grains de riz[1]. Tel est le repas funèbre ; et c’est d’après l’accomplissement de ces rites que l’on compte la parenté. Lorsque deux hommes qui accomplissent séparément leurs repas funèbres, peuvent, en remontant chacun la série de leurs six ancêtres, en trouver un qui leur soit commun à tous deux, ces deux hommes sont parents. Ils se disent samanodacas si l’ancêtre commun est de ceux à qui l’on n’offre que la libation d’eau, sapindas s’il est de ceux à qui le gâteau est présenté[2]. À compter d’après nos usages, la parenté des sapindas irait jusqu’au septième degré, et celle des samanodacas jusqu’au quatorzième. Dans l’un et l’autre cas la parenté se reconnaît à ce qu’on fait l’offrande à un même ancêtre ; et l’on voit que dans ce système la parenté par les femmes ne peut pas être admise.

Il en était de même en Occident. On a beaucoup discuté sur ce que les jurisconsultes romains entendaient par l’agnation. Mais le problème devient facile à résoudre, dès que l’on rapproche l’agnation de la religion domestique. De même que la religion ne se transmettait que de mâle en mâle, de même il est attesté par tous les jurisconsultes anciens que deux hommes ne pouvaient

  1. Lois de Manou, V, 60.
  2. Mitakchara, tr. Orianne, p. 213.