Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/111

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aïeux, la tige des descendants, le dépositaire des rites mystérieux du culte et des formules secrètes de la prière. Toute la religion réside en lui.

Le nom même dont on l’appelle, pater, porte en lui-même de curieux enseignements. Le mot est le même en grec, en latin, en sanscrit ; d’où l’on peut déjà conclure que, ce mot date d’un temps où les Hellènes, les Italiens et les Hindous vivaient encore ensemble dans l’Asie centrale. Quel en était le sens et quelle idée présentait-il alors à l’esprit des hommes ? on peut le savoir, car il a gardé sa signification première dans les formules de la langue religieuse et dans celles de la langue juridique. Lorsque les anciens en invoquant Jupiter l’appelaient pater hominum Deorumque, ils ne voulaient pas dire que Jupiter fût le père des dieux et des hommes ; car ils ne l’ont jamais considéré comme tel et ils ont cru au contraire que le genre humain existait avant lui. Le même titre de pater était donné à Neptune, à Apollon, à Bacchus, à Vulcain, à Pluton, que les hommes assurément ne considéraient pas comme leurs pères ; ainsi le titre de mater s’appliquait à Minerve, à Diane, à Vesta qui étaient réputées trois déesses vierges. De même dans la langue juridique le titre de pater ou pater familias, pouvait être donné à un homme qui n’avait pas d’enfants, qui n’était pas marié, qui n’était même pas en âge de contracter le mariage. L’idée de paternité ne s’attachait donc pas à ce mot. La vieille langue en avait un autre qui désignait proprement le père, et qui, aussi ancien que pater, se trouve comme lui dans les langues des Grecs, des Romains et des Hindous (gânitar, γεννητήρ, genitor). Le mot pater avait un autre sens. Dans la langue religieuse on l’appliquait aux dieux ; dans la langue du droit, à tout homme qui avait un culte et un domaine. Les poëtes nous montrent qu’on l’employait à l’égard de tous ceux qu’on voulait honorer. L’esclave et le