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Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/130

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cette législation, le gentilis est donc plus proche que le cognat, c’est-à-dire plus proche que le parent par les femmes.

Rien n’est plus étroitement lié que les membres d’une gens. Unis dans la célébration des mêmes cérémonies sacrées, ils s’aident mutuellement dans tous les besoins de la vie. La gens entière répond de la dette d’un de ses membres ; elle rachète le prisonnier, elle paye l’amende du condamné. Si l’un des siens devient magistrat, elle se cotise pour payer les dépenses qu’entraîne toute magistrature[1].

L’accusé se fait accompagner au tribunal par tous les membres de sa gens ; cela marque la solidarité que la loi établit entre l’homme et le corps dont il fait partie. C’est un acte contraire à la religion que de plaider contre un homme de sa gens ou même de porter témoignage contre lui. Un Claudius, personnage considérable, était l’ennemi personnel d’Appius Claudius le décemvir ; quand celui-ci fut cité en justice et menacé de mort, Claudius se présenta pour le défendre et implora le peuple en sa faveur, non toutefois sans avertir que, s’il faisait cette démarche, « ce n’était pas par affection, mais par devoir ».

Si un membre de la gens n’avait pas le droit d’en appeler un autre devant la justice de l’a cité, c’est qu’il y avait une justice dans la gens elle-même. Chacune avait, en effet, son chef, qui était à la fois son juge, son prêtre, et son commandant militaire[2]. On sait que lorsque la famille sabine des Claudius vint s’établir à Rome, les trois mille personnes qui la composaient, obéissaient à un chef unique. Plus tard, quand les Fabius se chargent seuls de la guerre contre les Véiens, nous voyons que cette gens a un

  1. Tite-Live, V, 32. Denys d’Halicarnasse, XIII, 5. Appien, Annib., 28.
  2. Denys d’Halicamasse, II, 7.