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la nourriture avait été préparée sur l’autel lui-même et était par conséquent sacrée ; on la mangeait en récitant quelques prières ; la divinité était présente et recevait sa part d’aliments et de breuvage.

Ces repas religieux de la curie subsistèrent longtemps à Rome ; Cicéron les mentionne, Ovide les décrit[1]. Au temps d’Auguste ils avaient encore conservé toutes leurs formes antiques. « J’ai vu, dans ces demeures sacrées, dit un historien de cette époque, le repas dressé devant le dieu ; les tables étaient de bois, suivant l’usage des ancêtres, et la vaisselle était de terre. Les aliments étaient des pains, des gâteaux de fleur de farine, et quelques fruits. J’ai vu faire les libations ; elles ne tombaient pas de coupes d’or ou d’argent, mais de vases d’argile ; et j’ai admiré les hommes de nos jours qui restent si fidèles aux rites et aux coutumes de leurs pères[2]. » À Athènes ces repas avaient lieu pendant la fête qu’on appelait Apaturies[3].

Il y a des usages qui ont duré jusqu’aux derniers temps de l’histoire grecque et qui jettent quelque lumière sur la nature de la phratrie antique. Ainsi nous voyons qu’au temps de Démosthènes, pour faire partie d’une phratrie, il fallait être né d’un mariage légitime dans une des familles qui la composaient. Car la religion de la phratrie, comme celle de la famille, ne se transmettait que par le sang. Le jeune Athénien était présenté à la phratrie par son père, qui jurait qu’il était son fils. L’admission avait lieu sous une forme religieuse. La phratrie immo-

  1. Cicéron, De orat., 1, 7. Ovide, Fast., VI, 305. Denys, II, 65.
  2. Denys, II, 23. Quoi qu’il en dise, quelques changements s’étaient introduits. Les repas de la curie n’étaient plus qu’une vaine formalité, bonne pour les prêtres. Les membres de la curie s’en dispensaient volontiers, et l’usage s’était introduit de remplacer le repas commun par une distribution de vivres et d’argent : Plante, Aululaire, V, 69 et 137.
  3. Aristophane, Acharn., 146. Athénée, IV, p. 171. Suidas, Άπατορια.