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lait une victime et en faisait cuire la chair sur l’autel, tous les membres étaient présents. Refusaient-ils d’admettre le nouvel arrivant, comme ils en avaient le droit s’ils doutaient de la légitimité de sa naissance, ils devaient enlever la chair de dessus l’autel. S’ils ne le faisaient pas, si après la cuisson ils partageaient avec le nouveau venu les chairs de la victime, le jeune homme était admis et devenait irrévocablement membre de l’association[1]. Ce qui explique ces pratiques, c’est que les anciens croyaient que toute nourriture préparée sur un autel et partagée entre plusieurs personnes établissait entre elles un lien indissoluble et une union sainte qui ne cessait qu’avec la vie.

Chaque phratrie ou curie avait un chef, curion ou phratriarque, dont la principale fonction était de présider aux sacrifices[2]. Peut-être ses attributions avaient-elles été, à l’origine, plus étendues. La phratrie avait ses assemblées, son tribunal, et pouvait porter des décrets. En elle, aussi bien que dans la famille, il y avait un dieu, un culte, un sacerdoce, une justice, un gouvernement. C’était une petite société qui était modelée exactement sur la famille.

L’association continua naturellement à grandir, et d’après le même mode. Plusieurs curies ou phratries se groupèrent et formèrent une tribu.

Ce nouveau cercle eut encore sa religion ; dans chaque tribu il y eut un autel et une divinité protectrice.

Le dieu de la tribu était ordinairement de même nature que celui de la phratrie ou celui de la famille. C’était un homme divinisé, un héros. De lui la tribu tirait son nom ; aussi les Grecs l’appelaient-ils le héros éponyme. Il avait son jour de fête annuelle. La

  1. Démosthènes, in Eubul. ; in Macart. Isée, VIII, 18.
  2. Denys, II, 64. Varron, V, 83. Démosthènes, in Eubul., 23.