Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/151

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la famille et établi les premières lois. Mais cette race a eu aussi, dans toutes ses branches, une autre religion, celle dont les principales figures ont été Zeus, Héra, Athéné, Junon, celle de l’Olympe hellénique et du Capitole romain.

De ces deux religions, la première prenait ses dieux dans l’âme humaine ; la seconde prit les siens dans la nature physique. Si le sentiment de la force vive et de la conscience qu’il porte en lui avait inspiré à l’homme la première idée du Divin, la vue de cette immensité qui l’entoure et qui l’écrase traça à son sentiment religieux un autre cours.

L’homme des premiers temps était sans cesse en présence de la nature ; les habitudes de la vie civilisée ne mettaient pas encore un voile entre elle et lui. Son regard était charmé par ces beautés ou ébloui par ces grandeurs. Il jouissait de la lumière, il s’effrayait de la nuit, et quand il voyait revenir « la sainte clarté des cieux », il éprouvait de la reconnaissance. Sa vie était dans les mains de la nature ; il attendait le nuage bienfaisant d’où dépendait sa récolte ; il redoutait l’orage qui pouvait détruire le travail et l’espoir de toute une année. Il sentait à tout moment sa faiblesse et l’incomparable force de ce qui l’entourait. Il éprouvait perpétuellement un mélange de vénération, d’amour et de terreur pour cette puissante nature.

Ce sentiment ne le conduisit pas tout de suite à la conception d’un Dieu unique régisant l’univers. Car il n’avait pas encore l’idée de l’univers. Il ne savait pas que la terre, le soleil, les astres sont des parties d’un même corps ; la pensée ne lui venait pas qu’ils pussent être gouvernés par un même Être. Aux premiers regards qu’il jeta sur le monde extérieur, l’homme se le figura comme une sorte de république confuse où des forces rivales se faisaient la guerre. Comme il jugeait les choses extérieures d’après lui-méme et qu’il sentait en lui une personne libre, il