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puissantes de l’Italie ancienne, la déesse Égérie. Les Étrusques avaient reçu leurs lois du dieu Tagès. Il y a du vrai dans toutes ces traditions. Le véritable législateur chez les anciens, ce ne fut pas l’homme, ce fut la croyance religieuse que l’homme avait en soi.

Les lois restèrent longtemps une chose sacrée. Même à l’époque où l’on admit que la volonté d’un homme ou les suffrages d’un peuple pouvaient faire une loi, encore fallait-il que la religion fût consultée et qu’elle fût au moins consentante. À Rome on ne croyait pas que l’unanimité des suffrages fût suffisante pour qu’il y eût une loi ; il fallait encore que la décision du peuple fût approuvée par les pontifes et que les augures attestassent que les dieux étaient favorables à la loi proposée[1]. Un jour que les tribuns plébéiens voulaient faire adopter une loi par une assemblée des tribus, un patricien leur dit : « Quel droit avez-vous de faire une loi nouvelle ou de toucher aux lois existantes ? Vous qui n’avez pas les auspices, vous qui dans vos assemblées n’accomplissez pas d’actes religieux, qu’avez-vous de commun avec la religion et toutes les choses sacrées, parmi lesquelles il faut compter la loi[2] ? »

On conçoit d’après cela le respect et l’attachement que les anciens ont eu longtemps pour leurs lois. En elles ils ne voyaient pas une œuvre humaine. Elles avaient une origine sainte. Ce n’est pas un vain mot quand Platon dit qu’obéir aux lois c’est obéir aux dieux. Il ne fait qu’exprimer la pensée grecque lorsque, dans le Criton, il montre Socrate donnant sa vie parce que les lois la lui demandent. Avant Socrate, on avait écrit sur le rocher des Thermopyles : « Passant, va dire à Sparte que nous sommes morts ici pour obéir à ses lois. » La loi chez les

  1. Denys, IX, 41 ; IX, 49.
  2. Denys, X, 4. Tite-Live, III, 31.