Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/241

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celles de l’émancipation, celles de l’action en justice, et toute la pantomime de la procédure.

Comme la loi faisait partie de la religion, elle participait au caractère mystérieux de toute cette religion des cités. Les formules de la loi étaient tenues secrètes comme celles du culte. Elle était cachée à l’étranger, cachée même au plébéien. Ce n’est pas parce que les patriciens avaient calculé qu’ils puiseraient une grande force dans la possession exclusive des lois ; mais c’est que la loi, par son origine et sa nature, parut longtemps un mystère auquel on ne pouvait être initié qu’après l’avoir été préalablement au culte national et au culte domestique.

L’origine religieuse du droit antique nous explique encore un des principaux caractères de ce droit. La religion était purement civile, c’est-à-dire spéciale à chaque cité ; il n’en pouvait découler aussi qu’un droit civil. Mais il importe de distinguer le sens que ce mot avait chez les anciens. Quand ils disaient que le droit était civil, jus civile, νόμοι πολιτικοί, ils n’entendaient pas seulement que chaque cité avait son code, comme de nos jours chaque État a le sien. Ils voulaient dire que leurs lois n’avaient de valeur et d’action qu’entre membres d’une même cité. Il ne suffisait pas d’habiter une ville pour être soumis à ses lois et être protégé par elles ; il fallait en être citoyen. La loi n’existait pas pour l’esclave ; elle n’existait pas davantage pour l’étranger. Nous verrons plus loin que l’étranger, domicilié dans une ville, ne pouvait y être propriétaire, ni hériter, ni tester, ni faire un contrat d’aucune sorte, ni paraître devant les tribunaux ordinaires des citoyens. À Athènes, s’il se trouvait créancier d’un citoyen, il ne pouvait pas le poursuivre en justice pour le payement de sa dette, la loi ne reconnaissant pas de contrat valable pour lui.

Ces dispositions de l’ancien droit étaient d’une logique parfaite. Le droit n’était pas né de l’idée de