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On pouvait accueillir l’étranger, veiller sur lui, l’estimer même, s’il était riche ou honorable ; on ne pouvait pas lui donner part à la religion et au droit. L’esclave, à certains égards était mieux traité que lui ; car l’esclave, membre d’une famille dont il partageait le culte, était rattaché à la cité par l’intermédiaire de son maître ; les dieux le protégeaient. Aussi la religion romaine disait-elle que le tombeau de l’esclave était sacré, mais que celui de l’étranger ne l’était pas[1].

Pour que l’étranger fût compté pour quelque chose aux yeux de la loi, pour qu’il pût faire le commerce, contracter, jouir en sûreté de son bien ; pour que la justice de la cité pût le défendre efficacement, il fallait qu’il se fit le client d’un citoyen. Rome et Athènes voulaient que tout étranger adoptât un patron.[2] En se mettant dans la clientèle et sous la dépendance d’un citoyen, l’étranger était rattaché par cet intermédiaire à la cité. Il participait alors à quelques-uns des bénéfices du droit civil et la protection des lois lui était acquise.


CHAPITRE XIII
Le patriotisme. L’exil.

Le mot patrie chez les anciens signifiait la terre des pères, terra patria. La patrie de chaque homme était la part de sol que sa religion domestique ou nationale avait sanctifiée, la terre où étaient déposés les ossements de ses ancêtres et que leurs âmes occupaient. La petite patrie était L’enclos de la famille, avec son tombeau et son foyer. La grande patrie était la cité, avec son prytanée et ses héros,

  1. Digeste, liv. XI, tit. 7, 2 ; liv. XLVII, tit. 12, 4.
  2. Harpocration, προστάτης.