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CHAPITRE II


Le culte des morts.

Ces croyances donnèrent lieu de très bonne heure à des règles de conduite. Puisque le mort avait besoin de nourriture et de breuvage, on conçut que c’était un devoir pour les vivants de satisfaire à ce besoin. Le soin de porter aux morts les aliments ne fut pas abandonné au caprice ou aux sentiments variables des hommes ; il fut obligatoire. Ainsi s’établit toute une religion de la mort, dont les dogmes ont pu s’effacer de bonne heure, mais dont les rites ont duré jusqu’au triomphe du christianisme.

Les morts passaient pour des êtres sacrés. Les anciens leur donnaient les épithètes les plus respectueuses qu’ils pussent trouver ; ils les appelaient bons, saints, bienheureux. Ils avaient pour eux toute la vénération que l’homme peut avoir pour la divinité qu’il aime ou qu’il redoute. Dans leur pensée chaque mort était un dieu[1].

Cette sorte d’apothéose n’était pas le privilège des grands hommes ; on ne faisait pas de distinction entre les morts. Cicéron dit : « Nos ancêtres ont voulu que les hommes qui avaient quitté cette vie, fusent comptés au nombre des dieux. » Il n’était même pas nécessaire d’avoir été un homme vertueux ; le méchant devenait un dieu tout autant que l’homme de bien ; seulement il gardait dans cette seconde existence tous les mauvais penchants qu’il avait eus dans la première[2].

Les Grecs donnaient volontiers aux morts le nom

  1. Eschyle, Choéph., 469. Sophocle, Antig., 451. Plutarque, Solon, 21 ; Quest. rom., 52 ; Quest. gr., 5. Virgile, V, 47 ; V, 80.
  2. Cicéron, De legib., II, 22. Saint Augustin, Cité de Dieu, IX, 11 ; VIII, 26.