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devoir civique qu’ils remplissent[1]. L’État voulait diriger seul l’éducation, et Platon dit le motif de cette exigence[2] : « Les parents ne doivent pas être libres d’envoyer ou de ne pas envoyer leurs enfants chez les maîtres que la cité a choisis ; car les enfants sont moins à leurs parents qu’à la cité. » L’État considérait le corps et l’âme de chaque citoyen comme lui appartenant ; aussi voulait-il façonner ce corps et cette âme de manière à en tirer le meilleur parti. Il lui enseignait la gymnastique, parce que le corps de l’homme était une arme pour la cité, et qu’il fallait que cette arme fût aussi forte et aussi maniable que possible. Il lui enseignait aussi les chants religieux, les hymnes, les danses sacrées, parce que cette connaissance était nécessaire à la bonne exécution des sacrifices et des fêtes de la cité[3].

L’État ne permettait pas volontiers qu’il y eût un enseignement libre à côté du sien. À Athènes il y avait une loi qui défendait d’instruire les jeunes gens sans une autorisation des magistrats ; une autre loi interdisait spécialement d’enseigner la philosophie[4].

L’homme n’avait pas le choix de ses croyances. Il devait croire et se soumettre à la religion de la cité. On pouvait haïr ou mépriser les dieux de la cité voisine ; quant aux divinités d’un caractère général et universel, comme Jupiter Céleste, ou Cybèle ou Junon, on était libre d’y croire ou de n’y pas croire. Mais il ne fallait pas qu’on s’avisât de douter d’Athéné Poliade ou d’Érecthée ou de Cécrops. Il y aurait eu là une grande impiété qui eût porté atteinte

  1. Aristophane, Nuées, 960-965.
  2. Platon, Lois, VII.
  3. Aristophane, Nuées, 966-968.
  4. Xénophon, Mémor., I, 2. Diogène Laërce, Théophr.. Ces deux lois ne durèrent pas longtemps ; elles n’en prouvent pas moins quelle omnipotence on reconnaissait à l’État en matière d’instruction.