Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/295

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tirer sur la ville la protection des dieux. On ne pouvait donc pas songer à se passer de roi ; il en fallait un pour la religion ; il en fallait un pour le salut de la cité. Aussi voyons-nous dans toutes les cités dont l’histoire nous est connue, que l’on ne toucha pas d’abord à l’autorité sacerdotale du roi et que l’on se contenta de lui ôter l’autorité politique. Celle-ci n’était qu’une sorte d’appendice que les rois avaient ajouté à leur sacerdoce ; elle n’était pas sainte et inviolable comme lui. On pouvait l’enlever au roi sans que la religion fût mise en péril.

La royauté fut donc conservée ; mais, dépouillée de sa puissance, elle ne fut plus qu’un sacerdoce. « Dans les temps très-anciens, dit Aristote, les rois avaient un pouvoir absolu en paix et en guerre ; mais dans la suite les uns renoncèrent d’eux-mêmes à ce pouvoir, aux autres il fut enlevé de force, et on ne laissa plus à ces rois que le soin des sacrifices. » Plutarque dit la même chose : « Comme les rois se montraient orgueilleux et durs dans le commandement, la plupart des Grecs leur enlevèrent le pouvoir et ne leur laissèrent que le soin de la religion[1]. » Hérodote parle de la ville de Cyrène et dit : « On laissa à Battos, descendant des rois, le soin du culte et la possession des terres sacrées et on lui retira toute la puissance dont ses pères avaient joui. »

Cette royauté ainsi réduite aux fonctions sacerdotales continua, la plupart du temps, à être héréditaire dans la famille sacrée qui avait jadis posé le foyer et commencé le culte national. Au temps de l’empire romain, c’est-à-dire sept ou huit siècles après cette révolution, il y avait encore à Éphèse, à Marseille, à Thespies, des familles qui conservaient le titre et les insignes de l’ancienne royauté et avaient encore la présidence des cérémonies religieuses[2].

  1. Aristote, Politique, III, 9, 8. Plutarque, Quest. rom., 63.
  2. Strabon, IV ; IX. Diodore, IV, 29.