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Dans les autres villes les familles sacrées s’étaient éteintes, et la royauté était devenue élective et ordinairement annuelle.


2° Histoire de cette révolution à Sparte.

Sparte a toujours eu des rois, et pourtant la révolution dont nous parlons ici, s’y est accomplie aussi bien que dans les autres cités.

Il paraît que les premiers rois doriens régnèrent en maîtres absolus. Mais, dès la troisième génération la querelle s’engagea entre les rois et l’aristocratie. Il y eut pendant deux siècles-une série de luttes qui firent de Sparte une des cités les plus agitées de la Grèce ; on sait qu’un de ces rois, le père de Lycurgue, périt frappé dans une guerre civile[1].

Rien n’est plus obscur que l’histoire de Lycurgue ; son biographe ancien commence par ces mots : « On ne peut rien dire de lui qui ne soit sujet à controverse. » Il paraît du moins certain que Lycurgue parut au milieu des discordes, « dans un temps où le gouvernement flottait dans une agitation perpétuelle ». Ce qui ressort le plus clairement de tous les renseignements qui nous sont parvenus sur lui, c’est que sa réforme porta à la royauté un coup dont elle ne se releva jamais. « Sous Charilaos, dit Aristote, la monarchie fit place à une aristocratie[2]. » Or ce Charilaos était roi lorsque Lycurgue fit sa réforme. On sait d’ailleurs par Plutarque que Lycurgue ne fut chargé des fonctions de législateur qu’au milieu d’une émeute pendant laquelle le roi Charilaos dut chercher un asile dans un temple. Lycurgue fut un moment le maître de supprimer la royauté ; il s’en garda bien, jugeant

  1. Strabon, VIII, 5. Plutarque, Lycurgue, 2.
  2. Aristote, Politique, VIII, 10, 3 (V, 10). Héraclide de Pont, dans les Fragments des historiens grecs, coll. Didot, t. II, p. 11. Plutarque, Lycurgue, 4.