Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/307

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de Collatie, qui appartient en propre à l’un des conjurés. Là, ils montrent au peuple le cadavre d’une femme ; ils disent que cette femme s’est tuée elle-même, se punissant du crime d’un fils du roi. Le peuple de Collatie se soulève ; on se porte à Rome ; on y renouvelle la même scène. Les esprits sont troublés, les partisans du roi déconcertés, et d’ailleurs, dans ce moment même, le pouvoir légal dans Rome appartient à Junius et à Lucrétius.

Les conjurés se gardent d’assembler le peuple ; ils se rendent au Sénat. Le Sénat prononce que Tarquin est déchu et la royauté abolie. Mais le décret du Sénat doit être confirmé par la cité. Lucrétius, à titre de préfet de la ville, a le droit de convoquer l’assemblée. Les curies se réunissent ; elles pensent comme les conjurés ; elles prononcent la déposition de Tarquin et la création de deux consuls.

Ce point principal décidé, on laisse le soin de nommer les consuls à l’assemblée par centuries. Mais cette assemblée où quelques plébéiens votent, ne va-t-elle pas protester contre ce que les patriciens ont fait dans le Sénat et dans les curies ? Elle ne le peut pas. Car toute assemblée romaine est présidée par un magistrat qui désigne l’objet du vote, et nul ne peut mettre en délibération un autre objet. Il y a plus : nul autre que le président, à cette époque, n’a le droit de parler. S’agit-il d’une loi ? les centuries ne peuvent voter que par oui ou par non. S’agit-il d’une élection ? le président présente des candidats, et nul ne peut voter que pour les candidats présentés. Dans le cas actuel, le président désigné par le Sénat est Lucrétius, l’un des conjurés. Il indique comme unique sujet de vote l’élection de deux consuls. Il présente deux noms aux suffrages des centuries, ceux de Junius et de Tarquin Collatin. Ces deux hommes sont nécessairement élus. Puis le Sénat ratifie l’élection, et enfin les augures la confirment au nom des dieux.