Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/309

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titre de cette aristocratie à la domination absolue. Elle lui donnait des droits qui paraissaient sacrés. D’après les vieilles croyances, celui-là seul pouvait être propriétaire du sol, qui avait un culte domestique ; celui-là seul était membre de la cité, qui avait en lui le caractère religieux qui faisait le citoyen ; celui-là seul pouvait être prêtre, qui descendait d’une famille ayant un culte, celui-là seul pouvait être magistrat, qui avait le droit d’accomplir les sacrifices. L’homme qui n’avait pas de culte héréditaire devait être le client d’un autre homme, ou s’il ne s’y résignait pas, il devait rester en dehors de toute société. Pendant de longues générations, il ne vint pas à l’esprit des hommes que cette inégalité fût injuste. On n’eut pas la pensée de constituer la société humaine d’après d’autres règles.

À Athènes, depuis la mort de Codrus jusqu’à Solon, toute autorité fut aux mains des eupatrides. Ils étaient seuls prêtres et seuls archontes. Seuls ils rendaient la justice et connaissaient les lois, qui n’étaient pas écrites et dont ils se transmettaient de père en fils les formules sacrées.

Ces familles gardaient autant qu’il leur était possible les anciennes formes du régime patriarcal. Elles ne vivaient pas réunies dans la ville. Elles continuaient à vivre dans les divers cantons de l’Attique, chacune sur son vaste domaine, entourée de ses nombreux serviteurs, gouvernée par son chef eupatride et pratiquant dans une indépendance absolue son culte héréditaire[1]. La cité athénienne ne fut pendant quatre siècles que la confédération de ces puissants chefs de famille qui s’assemblaient à certains jours pour la célébration du culte central ou pour la poursuite des intérêts-communs.

On a souvent remarqué combien l’histoire est muette sur cette longue période de l’existence d’A-

  1. Thucydide, II, 15-16.