Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/326

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qui avait pour chef un eupatride et pour sujets la foule des clients. Ce régime paraît avoir pesé lourdement sur la population athénienne ; car elle en conserva un mauvais souvenir. Le peuple s’estima si malheureux que l’époque précédente lui parut avoir été une sorte d’âge d’or ; il regretta les rois ; il en vint à s’imaginer que sous la monarchie il avait été heureux et libre, qu’il avait joui alors de l’égalité, et que c’était seulement à partir de la chute des rois que l’inégalité et la souffrance avaient commencé. Il y avait là une illusion comme les peuples en ont souvent ; la tradition populaire plaçait le commencement de l’inégalité là où le peuple avait commencé à la trouver odieuse. Cette clientèle, cette sorte de servage, qui était aussi vieille que la constitution de la famille, on la faisait dater de l’époque où les hommes en avaient pour la première fois senti le poids et compris l’injustice. Il est pourtant bien certain que ce n’est pas au septième siècle que les eupatrides établirent les dures lois de la clientèle. Ils ne firent que les conserver. En cela seulement était leur tort ; ils maintenaient ces lois au delà du temps où les populations les acceptaient sans gémir ; ils les maintenaient contre le vœu des hommes. Les eupatrides de cette époque étaient peut-être des maîtres moins durs que n’avaient été leurs ancêtres ; ils furent pourtant détestés davantage.

Il paraît que, même sous la domination de cette aristocratie, la condition de la classe inférieure s’améliora. Car c’est alors que l’on voit clairement cette classe obtenir la possession de lots de terre sous la seule condition de payer une redevance qui était fixée au sixième de la récolte. Ces hommes étaient ainsi presque émancipés ; ayant un chez soi et n’étant plus sous les yeux du maître, ils respiraient plus à l’aise et travaillaient à leur profit.

Mais telle est la nature humaine que ces hommes, à mesure que leur sort s’améliorait, sentaient plus