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Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/373

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défendre ou elle le défend mal. Dès que les prérogatives du patricien n’étaient plus un article de foi pour lui-même, on peut dire que le patriciat était à moitié vaincu.

La classe riche paraît avoir exercé une action d’un autre genre sur la plèbe, dont elle était issue et dont elle ne se séparait pas encore. Comme elle avait intérêt à la grandeur de Rome, elle souhaitait l’union des deux ordres. Elle était d’ailleurs ambitieuse ; elle calculait que la séparation absolue des deux ordres bornait à jamais sa carrière, en l’enchaînant pour toujours à la classe inférieure, tandis que leur union lui ouvrait une voie dont on ne pouvait pas voir le terme. Elle s’efforça donc d’imprimer aux idées et aux vœux de la plèbe une autre direction. Au lieu de persister à former un ordre séparé, au lieu de se donner péniblement des lois particulières, que l’autre ordre ne reconnaîtrait jamais, au lieu de travailler lentement par ses plébiscites à faire des espèces de lois à son usage et à élaborer un code qui n’aurait jamais de valeur officielle, elle lui inspira l’ambition de pénétrer dans la cité patricienne et d’entrer en partage des lois, des institutions, des dignités du patricien. Les désirs de la plèbe tendirent alors à l’union des deux ordres, sous la condition de l’égalité.

La plèbe, une fois entrée dans cette voie, commença par réclamer un code. Il y avait des lois à Rome, comme dans toutes les villes, lois invariables et saintes, qui étaient écrites et dont le texte était gardé par les prêtres.[1] Mais ces lois qui faisaient partie de la religion ne s’appliquaient qu’aux membres de la cité religieuse. Le plébéien n’avait pas le droit de les connaître, et l’on peut croire qu’il n’avait pas non plus le droit de les invoquer. Ces lois existaient pour les curies, pour les gentes, pour les patriciens

  1. Denys, X. 1.