Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/387

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C’est pour la même raison et en conséquence du même besoin que des innovations se sont introduites dans la partie du droit qui se rapportait au mariage. Il est clair que les familles plébéiennes ne pratiquaient pas le mariage sacré, et l’on peut croire que pour elles l’union conjugale reposait uniquement sur la convention mutuelle des parties (mutuus consensus) et sur l’affection qu’elles s’étaient promise (affectio maritalis). Nulle formalité civile ni religieuse n’était accomplie. Ce mariage plébéien finit par prévaloir, à la longue, dans les mœurs et dans le droit ; mais à l’origine, les lois de la cité patricienne ne lui reconnaissaient aucune valeur. Or cela avait de graves conséquences ; comme la puissance maritale et paternelle ne découlait, aux yeux du patricien, que de la cérémonie religieuse qui avait initié la femme au culte de l’époux, il résultait que le plébéien n’avait pas cette puissance. La loi ne lui reconnaissait pas de famille, et le droit privé n’existait pas pour lui. C’était une situation qui ne pouvait plus durer. On imagina donc une formalité qui fût à l’usage du plébéien et qui, pour les relations civiles, produisît les mêmes effets que le mariage sacré. On eut recours, comme pour le testament, à une vente fictive. La femme fut achetée par le mari ; dès lors elle fut reconnue en droit comme faisant partie de sa propriété (familia), elle fut dans sa main, et eut rang de fille à son égard, absolument comme si la formalité religieuse avait été accomplie.[1]

Nous ne saurions affirmer que ce procédé ne fût pas plus ancien que les Douze Tables. Il est du moins certain que la législation nouvelle le reconnut comme légitime. Elle donnait ainsi au plébéien un droit privé, qui était analogue pour les effets au droit du patricien, quoiqu’il en différât beaucoup pour les principes.

  1. Gaius, I, 114.