Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/439

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La cité était la seule force vive ; rien au-dessus, rien au-dessous ; ni unité nationale ni liberté individuelle.

Il nous reste à dire comment ce régime a disparu, c’est-à-dire comment, le principe de l’association humaine étant changé, le gouvernement, la religion, le droit ont dépouillé ce caractère municipal qu’ils avaient eu dans l’antiquité.

La ruine du régime politique que la Grèce et l’Italie avaient créé, peut se rapporter à deux causes principales. L’une appartient à l’ordre des faits moraux et intellectuels, l’autre à l’ordre des faits matériels ; la première est la transformation des croyances, la seconde est la conquête romaine. Ces deux grands faits sont du même temps ; ils se sont développés et accomplis ensemble pendant la série de six siècles qui précède notre ère.

La religion primitive, dont les symboles étaient la pierre immobile du foyer et le tombeau des ancêtres, religion qui avait constitué la famille antique et organisé ensuite la cité, s’altéra avec le temps et vieillit. L’esprit humain grandit en force et se fit de nouvelles croyances. On commença à avoir l’idée de la nature immatérielle ; la notion de l’âme humaine se précisa, et presque en même temps celle d’une intelligence divine surgit dans les esprits.

Que dut-on penser alors des divinités du premier âge, de ces morts qui vivaient dans le tombeau, de ces dieux Lares qui avaient été des hommes, de ces ancêtres sacrés qu’il fallait continuer à nourrir d’aliments ? Une telle foi devint impossible. De pareilles croyances n’étaient plus au niveau de l’esprit humain. Il est bien vrai que ces préjugés, si grossiers qu’ils fussent, ne furent pas aisément arrachés de l’esprit du vulgaire ; ils y régnèrent longtemps encore ; mais dès le cinquième siècle avant notre ère, les hommes qui réfléchissaient s’étaient affranchis de ces erreurs. Ils comprenaient autrement la mort. Les