Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/440

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uns croyaient à l’anéantissement, les autres à une seconde existence toute spirituelle dans un monde des âmes ; dans tous les cas ils n’admettaient plus que le mort vécût dans la tombe ; se nourrissant d’offrandes. On commençait aussi à se faire une idée trop haute du divin pour qu’on pût persister à croire que les morts fussent des dieux. On se figurait au contraire l’âme humaine allant chercher dans les Champs-Élysées sa récompense ou allant payer la peine de ses fautes ; et par un notable progrès, on ne divinisait plus parmi les hommes que ceux que la reconnaissance ou la flatterie faisait mettre au-dessus de l’humanité.

L’idée de la divinité se transformait peu à peu, par l’effet naturel de la puissance plus grande de l’esprit. Cette idée, que l’homme avait d’abord appliquée à la force invisible qu’il sentait en lui-même, il la transporta aux puissances incomparablement plus grandes qu’il voyait dans la nature, en attendant qu’il s’élevât jusqu’à la conception d’un être qui fût en dehors et au-dessus de la nature. Alors les dieux Lares et les Héros perdirent l’adoration de tout ce qui pensait.

Quant au foyer, qui ne paraît avoir eu de sens qu’autant qu’il se rattachait au culte des morts, il perdit aussi son prestige. On continua à avoir dans la maison un foyer domestiqué, à le saluer, à l’adorer, à lui offrir la libation ; mais ce n’était plus qu’un culte d’habitude, qu’aucune foi ne vivifiait plus.

Le foyer des villes ou prytanée fut entraîné insensiblement dans le discrédit où tombait le foyer domestique. On ne savait plus ce qu’il signifiait ; on avait oublié que le feu toujours vivant du prytanée représentait la vie invisible des ancêtres, des fondateurs, des Héros nationaux. On continuait à entretenir ce feu, à faire les repas publics, à chanter les vieux hymnes : vaines cérémonies, dont on n’osait pas se débarrasser, mais dont nul ne comprenait plus le sens.