Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/455

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osa attaquer cette ville, quoiqu’elle en fût une colonie. C’est précisément parce qu’elle en était une colonie, qu’elle jugea nécessaire de la détruire. Toute métropole en effet exerçait sur ses colonies une suprématie religieuse ; or la religion avait alors tant d’empire que, tant qu’Albe restait debout, Rome ne pouvait être qu’une cité dépendante, et que ses destinées étaient à jamais arrêtées.

Albe détruite, Rome ne se contenta pas de n’être plus une colonie ; elle prétendit s’élever au rang de métropole, en héritant des droits et de la suprématie religieuse qu’Albe avait exercés jusque-là sur ses trente colonies du Latium. Rome soutint de longues guerres pour obtenir la présidence du sacrifice des féries latines. C’était le moyen d’acquérir le seul genre de supériorité et de domination que l’on conçût en ce temps-là.

Elle éleva chez elle un temple à Djana ; elle obligea les Latins à venir y faire des sacrifices ; elle y attira même les Sabins.[1] Par là elle habitua les deux peuples à partager avec elle, sous sa présidence, les fêtes, les prières, les chairs sacrées des victimes. Elle les réunit sous sa suprématie religieuse.

Rome est la seule cité qui ait su par la guerre augmenter sa population. Elle eut une politique inconnue à tout le reste du monde gréco-italien ; elle s’adjoignit tout ce qu’elle vainquit. Elle amena chez elle les habitants des villes prises, et des vaincus fit peu à peu des Romains. En même temps elle envoyait des colons dans les pays conquis, et de cette manière elle semait Rome partout ; car ses colons, tout en formant des cités distinctes au point de vue politique, conservaient avec la métropole la communauté religieuse ; or c’était assez pour qu’ils fussent contraints de subordonner leur politique à la sienne, de lui obéir, et de l’aider dans toutes ses guerres.

  1. Tite-Live, I, 45. Denys, IV, 48, 49.