Page:Fustel de Coulanges - La Cité antique, 1870.djvu/454

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du dieu sabin Consus et en célébra la fête. La tradition ajoute que pendant cette fête il enleva les femmes ; s’il avait fait ainsi, les mariages n’auraient pas pu être célébrés suivant les rites, puisque le premier acte et le plus nécessaire du mariage était la traditio in manum, c’est-à-dire le don de la fille par le père ; Romulus aurait manqué son but. Mais la présence des Sabins et de leurs familles à la cérémonie religieuse et leur participation au sacrifice établissaient entre les deux peuples un lien tel que le connubium ne pouvait plus être refusé. Il n’était pas besoin d’enlèvement ; la fête avait pour conséquence naturelle le droit de mariage. Aussi l’historien Denys, qui consultait les textes et les hymnes anciens, assure-t-il que les Sabines furent mariées suivant les rites les plus solennels, ce que confirment Plutarque et Cicéron. Il est digne de remarque que le premier effort des Romains ait eu pour résultat de faire tomber les barrières que la religion municipale mettait entre eux et un peuple voisin. Il ne nous est pas parvenu de légende analogue relativement à l’Étrurie ; mais il paraît bien certain que Rome avait avec ce pays les mêmes relations qu’avec le Latium et la Sabine. Elle avait donc l’adresse de s’unir par le culte et par le sang à tout ce qui était autour d’elle. Elle tenait à avoir le connubium avec toutes les cités, et ce qui prouve qu’elle connaissait bien l’importance de ce lien, c’est qu’elle ne voulait pas que les autres cités, ses sujettes, l’eussent entre elles.[1]

Rome entra ensuite dans la longue série de ses guerres. La première fut contre les Sabins de Tatius ; elle se termina par une alliance religieuse et politique entre les deux petits peuples. Elle fit ensuite la guerre à Albe ; les historiens disent que Rome

  1. Tite-Live, IX, 43 ; XXIII, 4.