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CHAPITRE III


De la continuité de la famille ; célibat interdit ; divorce en cas de stérilité. Inégalité entre le fils et la fille.

Les croyances relatives aux morts et au culte qui leur était dû, ont constitué la famille ancienne et lui ont donné la plupart de ses règles.

On a vu plus haut que l’homme, après la mort, était réputé un être heureux et divin, mais à la condition que les vivants lui offrissent toujours le repas funèbre. Si ces offrandes venaient à cesser, il y avait déchéance pour le mort qui tombait au rang de démon malheureux et malfaisant. Car lorsque ces anciennes générations avaient commencé à se représenter la vie future, elles n’avaient pas songé à des récompenses et à des châtiments ; elles avaient cru que le bonheur du mort ne dépendait pas de la conduite qu’il avait menée pendant sa vie, mais de celle que ses descendants avaient à son égard. Aussi chaque père attendait-il de sa postérité la série des repas funèbres qui devaient assurer à ses Mânes le repos et le bonheur.

Cette opinion a été le principe fondamental du droit domestique chez les anciens. Il en a découlé d’abord cette règle que chaque famille dut se perpétuer à jamais. Les morts avaient besoin que leur descendance ne s’éteignît pas. Dans le tombeau où ils vivaient, ils n’avaient pas d’autre sujet d’inquiétude que celui là. Leur unique pensée, comme leur unique intérêt, était qu’il y eût toujours un homme de leur sang pour apporter les offrandes au tombeau. Aussi l’Hindou croyait-il que ces morts répétaient sans cesse : « Puisse-t-il naître toujours dans notre lignée des fils qui nous apportent le riz, le lait et le miel. » L’Hindou disait encore : « L’extinction d’une