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orateur athénien dans un procès où l’on contestait à un fils adoptif la légitimité de son adoption. Le défendeur nous montre d’abord pour quel motif on adoptait un fils : « Ménéclès, dit-il, ne voulait pas mourir sans enfants ; il tenait à laisser après lui quelqu’un pour l’ensevelir et pour lui faire dans la suite les cérémonies du culte funèbre. » Il montre ensuite ce qui arrivera si le tribunal annule son adoption, ce qui arrivera non pas à lui-même, mais à celui qui l’a adopté ; Ménéclès est mort, mais c’est encore l’intérêt de Ménéclès qui est en jeu. « Si cous annulez mon adoption, vous ferez que Ménéclès sera mort sans laisser de fils après lui, qu’en conséquence personne ne fera les sacrifices en son honneur, que nul ne lui offrira les repas funèbres, et qu’enfin il sera sans culte[1]. »

Adopter un fils, c’était donc veiller à la perpétuité de la religion domestique, au salut du foyer, à la continuation des offrandes funèbres, au repos des mânes des ancêtres. L’adoption n’ayant sa raison d’être que dans la nécessité de prévenir l’extinction d’un culte, il suivait de là qu’elle n’était permise qu’à celui qui n’avait pas de fils. La loi des Hindous est formelle à cet égard[2]. Celle d’Athènes ne l’est pas moins ; tout le plaidoyer de Démosthène contre Léocharès en est la preuve[3]. Aucun texte précis ne prouve qu’il en fût de même dans l’ancien droit romain, et nous savons qu’au temps de Gaïus un même homme pouvait avoir des fils par la nature et des fils par l’adoption. Il paraît pourtant que ce point n’était pas admis en droit au temps de Cicéron ; car dans un de ses plaidoyers l’orateur s’exprime ainsi : « Quel est le droit qui régit l’adoption ? Ne faut-il pas que l’adoptant soit d’âge à ne plus avoir d’enfants,

  1. Isée, II, 10-46.
  2. Lois de Manou, IX 168, 174. Dattaca-Sandrica, tr. Orianne, p. 260.
  3. Voyez aussi Isée, II, 11-14.