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transmettait ni l’être ni le culte. Le fils tenait tout du père. On ne pouvait pas d’ailleurs appartenir à deux familles, invoquer deux foyers ; le fils n’avait donc d’autre religion ni d’autre famille que celle du père[1]. Comment aurait-il eu une famille maternelle ? Sa mère elle même, le jour où les rites sacrés du mariage avaient été accomplis, avait renoncé d’une manière absolue à sa propre famille ; depuis ce temps, elle avait offert le repas funèbre aux ancêtres de l’époux, comme si elle était devenue leur fille, et elle ne l’avait plus offert à ses propres ancêtres, parce qu’elle n’était plus censée descendre d’eux. Elle n’avait conservé ni lien religieux ni lien de droit avec la famille où elle était née. À plus forte raison, son fils n’avait rien de commun avec cette famille.

Le principe de la parenté n’était pas la naissance ; c’était le culte. Cela se voit clairement dans l’Inde. Là, le chef de famille, deux fois par mois, offre le repas funèbre ; il présente un gâteau aux mânes de son père, un autre à son grand-père paternel, un troisième à son arrière-grand-père paternel, jamais à ceux dont il descend par les femmes, ni à sa mère ni au père de sa mère. Puis, en remontant plus haut, mais toujours dans la même ligne, il fait une offrande au quatrième, au cinquième, au sixième ascendant. Seulement, pour ceux-ci l’offrande est plus légère ; c’est une simple libation d’eau et quelques grains de riz. Tel est le repas funèbre ; et c’est d’après l’accomplissement de ces rites que l’on compte la parenté. Lorsque deux hommes qui accomplissent séparément leurs repas funèbres, peuvent, en remontant chacun la série de leurs six ancêtres, en trouver un qui leur soit commun à tous deux, ces deux hommes sont parents. Ils se disent samanodacas si l’ancêtre commun est de ceux à qui l’on

  1. Patris non matris familiam sequitur, Digeste, liv. 50, tit. 16, § 196.