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tude des temps antiques est attestée par une loi de Solon et par plusieurs passages de Plutarque. On voit dans un plaidoyer de Démosthène que, de son temps encore, chaque famille enterrait ses morts dans son champ, et que lorsqu’on achetait un domaine dans l’Attique, on y trouvait la sépulture des anciens propriétaires[1]. Pour l’Italie, cette même coutume nous est attestée par une loi des Douze Tables, par les textes de deux jurisconsultes, et par cette phrase de Siculus Flaccus : « Il y avait anciennement deux manières de placer le tombeau, les uns le mettant à la limite du champ, les autres vers le milieu[2]. »

D’après cet usage on conçoit que l’idée de propriété se soit facilement étendue du petit tertre où reposaient les morts au champ qui entourait ce tertre. On peut lire dans le livre du vieux Caton une formule par laquelle le laboureur italien priait les Mânes de veiller sur son champ, de faire bonne garde contre le voleur, et de faire produire bonne récolte. Ainsi ces âmes des morts étendaient leur action tutélaire et avec elle leur droit de propriété jusqu’aux limites du domaine. Par elles la famille était maîtresse unique dans ce champ. La sépulture avait établi l’union indissoluble de la famille avec la terre, c’est-à-dire la propriété.

Dans la plupart des sociétés primitives, c’est par la religion que le droit de propriété a été établi. Dans la Bible, le Seigneur dit à Abraham : « Je suis l’Éternel qui t’ai fait sortir de Ur des Chaldéens, afin de te donner ce pays », et à Moïse : « Je vous ferai entrer dans le pays que j’ai juré de donner à Abraham, et je vous le donnerai en héritage. » Ainsi Dieu, propriétaire primitif par droit de création,

  1. Loi de Solon, citée par Gaius au Digeste, liv. X, tit. I, 13. Démosthène, contre Calliclès. Plutarque, Aristide, 1.
  2. Siculus Flaccus, édit. Goez, p. 4, 5. Voy. Fragm. terminalia, édit. Goez, p. 147. Pomponius, au Digeste, liv. XLVII, tit. 12, 5. Paul, au Digeste, VIII, 1, 14.