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Page:Gérard - Correspondance choisie de Gœthe et Schiller, 1877.djvu/40

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occupations, cette entreprise n’est qu’une augmentation insignifiante de mes charges ; mais elle m’est très-avantageuse au point de vue financier, parce que, si faible que soit ma santé, je puis toujours la continuer, et assurer ainsi l’indépendance de ma situation.

J’attends avec une grande impatience tout ce que votre dernière lettre me promet.

Nous nous rappelons tous à votre meilleur souvenir.

Schiller.

7.

Réponse de Gœthe à la lettre précédente. Appréciation des lettres de Schiller sur l’Esthétique.

J’ai lu tout de suite votre manuscrit avec un grand plaisir ; je l’ai avalé d’un seul coup. Comme une boisson exquise, appropriée à notre nature, glisse d’elle-même dans notre bouche, et, à peine sur la langue, fait sentir son action salutaire par une heureuse disposition de tout le système nerveux ; ainsi vos lettres m’ont causé une agréable et bienfaisante impression. Pouvait-il en être autrement, quand j’y trouvais, présenté sous une forme si noble et synthétique, tout ce que, depuis longtemps, je regardais comme le vrai, tout ce que je louais ou désirais louer. Meyer[1] a pris aussi un vif plaisir à les lire, et son coup d’œil clair et pénétrant est pour moi un sûr garant. Dans cette agréable disposition d’esprit, j’ai failli être troublé par le billet ci-joint de Herder, qui a l’air de nous reprocher, comme la marque d’un esprit étroit, le plaisir que nous prenons à cette sorte de conceptions. Mais dans le domaine des idées, il ne faut pas avoir de règle si rigoureuse, et il est toujours consolant de se tromper, en compagnie d’hommes éprouvés, plutôt à l’avantage qu’au détriment de soi-même et de ses contemporains. Continuons donc, sans trouble et sans inquiétude, à vivre et

  1. Meyer, peintre et écrivain distingué, fit la connaissance de Gœthe à Rome, et resta lié avec lui d’une constante amitié. Il a écrit l’histoire des arts plastiques chez les Grecs. Né en 1759 à Stæfa en Suisse, mort en 1832.