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Page:Gérard - Correspondance choisie de Gœthe et Schiller, 1877.djvu/39

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tout autre point de vue ; car je dois avouer que c’est ma pensée la plus vraie et la plus sérieuse qui parle dans ces lettres. Jamais encore je n’avais pris la plume sur les misères politiques, et si j’en parle dans ces lettres, c’est pour n’y plus jamais revenir ; mais je crois que la profession de foi que j’y ai déposée est loin d’être superflue. Quelque différence qu’il y ait entre les instruments qui nous servent, à vous et à moi, à travailler le monde, et entre les armes offensives et défensives que nous manions, je crois pourtant que nous tendons vers un même but. Vous trouverez dans ces lettres votre portrait, sous lequel j’aurais volontiers écrit votre nom, si je ne répugnais à faire violence au sentiment du lecteur réfléchi. Parmi ceux dont le jugement peut avoir quelque valeur pour vous, il n’est personne qui ne vous reconnaisse ; car j’ai conscience de l’avoir bien saisi et de l’avoir tracé d’une manière assez frappante.

Je serais bien aise que vous pussiez trouver le temps de lire bientôt le manuscrit, et l’envoyer ensuite à Herder, que je préviendrai. Car, suivant nos statuts, il doit passer encore dans plus d’une main avant de pouvoir être livré à l’impression, et nous voulons prendre le plus tôt possible les dispositions nécessaires pour faire paraître les Heures.

Saviez-vous déjà que Engel[1] a abandonné la direction de son théâtre à Berlin, et qu’il vit maintenant dans le Mecklembourg-Schwérin, tout à fait en retraite. De ses quinze cents thalers de traitement annuel, il n’a absolument rien gardé. Il travaille beaucoup, dit-on, de la plume, et il m’a promis dernièrement de m’envoyer un article.

Je vous parlais dernièrement à Weimar de l’Almanach des Muses[2] ; je viens de prendre à son sujet des arrangements réguliers avec le libraire Juif ; il paraîtra à la prochaine foire de Saint-Michel[3]. Je compte fort sur votre bonté, qui ne me laissera pas dans l’embarras. Au point de vue des

  1. Engel, né en 1741 à Parchim, dans le Mecklembourg, mort en 1802, auteur de plusieurs écrits sur l’art dramatique (Theorie der Dichtungsarten. — Ideen zu einer Mimik.) — Il prit en 1787 la direction du théâtre de Berlin, qu’il laissa en 1794 à Ramler.
  2. Recueil poétique annuel, que Schiller et Gœthe publièrent pour la première fois en 1795 ; le titre rappelait l’Almanach des Muses de Gœttingue, fondé en 1765 par Boie et Gotter.
  3. Foire de librairie qui se tenait, et se tient encore à Leipzig.