Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/125

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et d’arbalétriers de Mulhouse me paraissent avoir eu une organisation où domine plus particulièrement le besoin des communications sympathiques. Depuis le mois d’avril jusqu’à la fin de septembre, les arquebusiers se réunissaient, chaque lundi, dans leur tir, et les arbalétriers dans le leur, chaque jeudi. L’exercice cessait à cinq heures et était invariablement suivi, dans les deux compagnies, d’un repas dont chaque membre faisait les frais à tour de rôle ; la dépense du vin était payée par voie de cotisation. Un règlement avait déterminé la composition de ce repas hebdomadaire ; il consistait en une soupe à l’orge, du bœuf bouilli, un rôti facultatif et du pâté. On y buvait bravement, comme le témoigne la cérémonie particulière qui exigeait qu’à un moment donné, chaque compagnon, à la ronde, vidât d’un trait son gobelet fort d’une chopine de bon vin blanc. On peut voir l’affection que les bourgeois de Mulhouse portaient, au seizième siècle, aux exercices du tir et à ceux qui en dépendaient, dans cette vieille chanson :


Wann ich in Freuden leben will,
Geh ich auf’s Schützenhauss :
Da find ich ein schœn Kumpany,
Die leeren die Glæser aus[1] ;


(Quand je veux vivre dans la joie, je vais dans notre maison de tir ; là se trouve une bonne compagnie qui vide gaiement les verres.)


Que les travaux de la guerre exigent une réparation énergique, c’est ce que chacun sait ; mais que l’examen placide d’une comptabilité réclame un pareil support, voilà qui doit sembler un peu douteux. Cependant, dans le vieux Mulhouse, ce doute n’existait point. L’apurement des chiffres ne s’y faisait bien et n’y devenait clair qu’après de larges récréations de table. Toutes les années, à la fin de février, chaque tribu procédait à l’audition et au règlement de ses comptes. Les dignitaires de la tribu y consacraient

  1. Mieg, Gesch. der Stadt Mülhausen, t. II, p. 18.