Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/126

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trois jours de repas fraternels payés par la caisse commune. Outre les collations à peu près permanentes, l’heure de midi voyait servir un festin que les chroniques comparent à un festin de noces abondant et délicat. Ces trois jours de liesse plénière ne devaient point être compromis par les dispositions incertaines ou réfractaires des officiers de la tribu. Une sage mesure avait prévenu un tel accident ; un repas d’épreuve réunissait, au préalable, le comité dirigeant, afin de s’assurer si les estomacs étaient en bon ordre et préparés à toutes les difficultés de calcul. Pendant la durée des opérations, les femmes des dignitaires recevaient à domicile des pâtisseries connues sous le nom de Knieblætze, afin qu’elles prissent en patience la longueur de ces vérifications scrupuleuses, et surtout, comme le dit un observateur malicieux, « afin qu’elles ne fissent point de scènes désagréables à leurs maris qui rentraient en trébuchant[1] ». Ces bons fonctionnaires poussaient le culte des vertus de famille encore plus loin. Quelquefois l’on conviait à ces repas leurs enfants et petits-enfants, et on les régalait d’une bouillie au riz bien sucrée et parfumée de cannelle, qui était suivie de pâtés et de tourte. Grâce à cette initiation, la chaîne des véritables traditions administratives n’était jamais interrompue et la république était assurée d’être toujours fournie de gouvernants nourris dans la sagesse des anciens principes.

L’Alsace ne se contentait pas de manger chez elle, elle allait encore manger chez ses voisins. Le lundi de la Pentecôte, la ville de Remiremont se livrait à ses célèbres réjouissances des kyriolés. De somptueuses processions signalaient cette fête antique. L’abbé-prince de Murbach, les maires, maîtres-bourgeois et manants du val d’Odern étaient tenus d’y assister tous les trois ans, en grande pompe religieuse et civile. En 1563, l’abbé s’excusa de n’y pouvoir venir, à cause des malheurs de la guerre et de la peste. Mais la règle du triennium l’y amena en 1587 avec les

  1. Mieg, Gesch. der Stadt Mülhausen, t. II, p. 46.