Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/147

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qui, en traitant ce sujet, s’est montré aussi grand cuisinier que botaniste savant.

D’où vient le pâté ? Est-il égyptien, grec, romain ? Nous pouvons l’ignorer sans rougir. L’antiquité classique le connaissait et il a honorablement traversé les siècles. Cela peut suffire. À Athènes on en mangeait sous le nom d’άρτοχρέας, et le poëte romain Perse a transporté cette expression dans la langue latine. Je crois volontiers que tous les peuples qui ont eu la passion de construire et qui ont possédé le sentiment de l’architecture, ont été naturellement conduits à confectionner des pâtés. Édifier un pâté, ce n’est pas autre chose que de transporter dans le domaine de la cuisine l’art de bâtir, et de soumettre les matières alimentaires aux règles d’une disposition savante et d’une ingénieuse ornementation. La coupole élégante, la rotonde sévère, le quadrilatère respectable, le carré long, l’ovale, l’hexagone, la noble figure à huit pans, toutes les formes variées de la géométrie sous lesquelles se présente le pâté, ne sont-elles pas visiblement inspirées ou déduites des monuments civils et religieux, le théâtre, le temple, les arènes, le bastion, la tour de guerre ? Ces petits édifices passagers et domestiques n’ont-ils pas, comme les édifices durables de la cité, leur harmonie étudiée, leur aspect artistique, leur système de décoration destiné à charmer les yeux ? Ils ont leurs frises historiées, comme le Parthénon grec a les siennes, et leur mince vêture est animée d’aussi nombreux bas-reliefs que le sont les murailles du Panthéon romain.

En Alsace, l’institution du pâté a toujours été assise sur des fondements larges et rassurants. La chair des animaux domestiques, la volaille des basses-cours, le petit gibier, la grande venaison, les poissons, les écrevisses, les escargots, tous les éléments les plus nobles de la cuisine se disputaient tour à tour l’honneur de contribuer à sa fortune. D’après le recensement scrupuleux que j’ai fait, je puis fixer à quarante-deux les variétés de pâtés en usage dans notre pays, depuis plusieurs siècles. Je les dénombre d’après leur ordre de mérite : le pâté de chair de bœuf ;