Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nourrissent, à mesure qu’il progresse dans les différentes voies de sa perfection individuelle ou sociale. Je ne ferai donc pas la nomenclature des nombreuses recettes, des formules variées qui ont été appliquées anciennement à chaque ordre de ressources alimentaires, chairs des animaux élevés en domesticité, viandes des bêtes libres et sauvages, légumes, fruits, plantes, farinages, laitages et le reste. Ce serait descendre à l’humilité des manuels de la pratique, au lieu de se maintenir au niveau de l’histoire qui ne doit remarquer que les choses véritablement intéressantes, s’éloignant de la vulgarité prosaïque du train de tous les jours, dignes de souvenir, soit par leur étrangeté avec nos usages actuels, soit par leur caractère de haute fantaisie, soit par la singularité de leurs origines, soit par la persistance de leur domination. À ce titre, je dois, dans une revue rapide, faire connaître à mes lecteurs, quelques mets anciens qui se recommandent à leurs sympathies, les uns par leur air de nationalité alsatique, les autres par la bizarrerie, l’excentricité de leur invention, d’autres encore par leur célébrité locale ou par l’illustration des personnages historiques qui nous en ont transmis la mémoire. Voici, par exemple, des Kalbs-Spisslein. Comment traduire ce mot ? Le plus court, c’est de ne pas le traduire et de définir la chose elle-même. Les moines de Lucelle la connaissaient fort bien ; elle figure dans le livre de cuisine qu’écrivit leur plus savant abbé, Bernardin Buchinger. Lisez la recette de ce mets oublié, emporté par l’injure du temps, et s’il vous agrée de goûter une délicatesse qui réjouissait ces bons moines il y a deux cents ans, commandez à votre cordon-bleu d’en tenter l’expérience. Elle prendra un beau morceau de veau… (de tout temps, on a dit dans la langue positive et confiante de la cuisine : prenez un lièvre, prenez ceci, prenez cela) ; votre cordon-bleu prendra donc un beau morceau de veau qu’elle aplatira sous de vigoureux coups de maillet ; elle le taillera en poupiettes[sic] larges mais minces ; ces tranches seront gravées de profondes ciselures et ointes avec du lard haché, de la moelle de bœuf, du persil, du romarin, de la marjolaine, de la