Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le poisson étaient accompagnés de plusieurs saucières où chacun puisait selon son goût, et choisissait entre les condiments suivants : câpres, olives, rouelles d’oranges ou de citron sucrées, vinaigre rosat (Rosen-Essig), vinaigre surard (Holder-Essig) ou vinaigre violet (Violen-Essig)[1]. Ces spécimens, en cette branche de l’art, peuvent suffire.

Passons à une autre. Nous voici en face de l’œuf, ce miracle de la nature, qui est à la fois la vie reproduite ou la vie suspendue, l’oiseau ou un trésor alimentaire, au gré de la fantaisie ou du besoin de l’homme. La ménagère en tirera des merveilles ; d’abord le Pfannkuchen. Sait-on bien qu’il y en avait anciennement six espèces distinctes ? La vulgaire, à la ciboule ou aux oignons ; l’odorante, où dominaient le persil, la marjolaine, la sauge, la menthe associés aux raisins secs ; la vigoureuse, basée sur le gingembre, la muscade, le poivre et le safran liés par la crème ; la bienfaisante, mêlée d’épinards, de jeune bette et assaisonnée d’épices modérées ; la fruitée, mélangée de pommes douces, de poires parfumées et d’amandes ; la recherchée, qui exigeait de la crème douce, force œufs frais, des figues, des raisins de Corinthe, du sucre, de la cannelle et du safran. Les vieux livres indiquent ces six variétés. La soupe aux œufs a été de tout temps un potage estimé. Jean Geiler parle de Bregelzte Eyer[2], ce sont les œufs au miroir ; de Martyr-Eyer, qui pourraient bien être la même chose, sinon des œufs pochés ; de Krosseyer[3], qu’Oberlin définit : ova butyro frixa[4] ; donc encore des œufs sur le plat. Quant à l’Eyerbrunn[5], j’ignore ce que c’était, et Oberlin l’ignorait comme moi, puisqu’il s’est contenté de dire pour tout éclaircissement : Cibi species ex ovis[6] ; ce qui n’éclaircit rien. Nous

  1. Moscherosch, Adeliches Leben, p. 124.
  2. De brægeln, frire. On dit encore à Mulhouse brægelte Hærdepfel, des pommes de terre frites.
  3. Geiler, Buch der Sünden des Munds. Strasbourg, 1518. In-fol., p. 4.
  4. Oberlin, De Geileri scriptis germanicis. Arg., 1786. In-4°, p. 37.
  5. J. Geiler, Buoch der Sünden. In-fol., p. 4.
  6. Oberlin, loc. cit., p. 36.