Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/225

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au passant solitaire l’écho sinistre des grognements du mauvais riche damné[1].

Le pain, dans les campagnes alsaciennes, était généralement bon. L’on y employait le méteil. Dans les montagnes on cultivait l’épeautre, parce que cette céréale résiste mieux aux froids. Au Ban-de-la-Roche, le pain de seigle était, au dix-huitième siècle encore, un régal dont les pauvres n’usaient que de temps à autre[2]. Dans les hautes montagnes, l’on avait que le pain violet que donne le sarrazin.

Les pays situés sur le cours du Rhin étaient les plus renommés de toute l’Allemagne pour la beauté du pain blanc, du pain de table, du pain employé dans la vie urbaine. Pforzheim et Strasbourg étaient cités en première ligne sous ce rapport. Après Strasbourg, le plus beau pain de la Basse-Alsace était celui de Schwindratzheim[3], village situé près d’Hochfelden, et qui était comme le Gonesse de l’Alsace. Le pain de Schwindratzheim était si renommé et ses boulangers si estimés que Frédéric Ier les proposait pour modèles à ceux de Haguenau déjà en 1164[4]. Moins que dans d’autres pays il était mélangé de graines aromatiques, mais il n’avait pas réussi à s’en affranchir totalement. Sa pureté actuelle est un progrès du temps. Anciennement, chez nous, on y mêlait de la coriandre noire, du pavot et surtout du cumin[5]. C’était le penchant de l’époque. Dans le Languedoc on le saupoudrait de marjolaine, et dans la Provence on chauffait les fours avec des bourrées de thym. Sur le lac de Constance dominait, au rapport de Montaigne, l’usage de l’aromatiser avec du fenouil[6]. Le docteur Bock recommandait, comme des moyens propres à lui donner de la douceur et un bon goût, la semence de fromental et les

  1. Aug. Stœber, Sagen des Elsasses, p. 327.
  2. Massenet, Description du Ban-de-la-Roche, p. 19.
  3. Jér. Bock, Kreutterbuch, p. 237.
  4. Billing, Beschr. des Elsasses, p. 243.
  5. Bock, p. 104.
  6. Montaigne, Voyages, t. Ier, p. 71.