Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/230

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ils si prompts pour ces récits de la douleur et de la violence, et restent-ils muets au spectacle des conquêtes pacifiques que l’homme fait sur la nature ? C’est que l’histoire fut longtemps une science plus féodale que civile, et que, de tout temps, l’homme accorda plus d’attention au tumulte, à la guerre et au sang, qu’aux efforts du travail, à la persévérance des arts et aux progrès de la culture sociale.

Je voudrais faire connaître l’état ancien des ressources alimentaires qu’offraient les vergers alsaciens, et surtout marquer avec précision ce que le temps, les découvertes des voyageurs, le développement des rapports commerciaux, le perfectionnement des méthodes de culture y ont successivement ajouté. Cette histoire des arbres fruitiers de notre pays, qui charment notre vue avec leur feuillage diversifié, décorent nos campagnes, ombragent nos jardins et réjouissent notre goût par les saveurs variées de leurs fruits dorés ou vermeils, cette histoire, à mon sens, aurait plus d’attrait et de véritable utilité que l’analyse des dévastations commises par les Armagnacs ou la patiente étude des calamités de la guerre de Trente ans. Mais comment la faire ? Les anciens annalistes n’ont presque rien vu des faits qui la constituent, et, dans tous les cas, n’en ont guère parlé. Elle ne pourra donc être que bornée, incomplète et, en bien des points, conjecturale.

Nos vergers et nos jardins sont constitués actuellement au moyen de deux groupes généraux d’arbres fruitiers. L’un, que j’appellerai le groupe celtique, comprend les arbres à fruits indigènes à notre climat ; l’autre, que j’appellerai le groupe étranger, renferme ceux que l’art a acclimatés sous notre ciel.

Le groupe celtique est pauvre. Il compte le poirier, le pommier, le prunier, le châtaignier, le merisier, le noisetier, le néflier, le figuier, le cognassier, le framboisier, le groseillier, le cormier, le cornouiller, l’arbousier, l’alizier, le prunellier. Le groupe étranger est riche de belles espèces variées et délectables ; il renferme le noyer, que les Grecs ont emprunté aux bords de la mer