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Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/244

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peuple d’Italiæner Læden. Aujourd’hui, grâce à l’action du temps, l’épicerie n’est plus une science secrète, et les enfants de l’Alsace en ont pénétré les lucratifs mystères à l’égal des plus fins compatriotes de Mazarin.

Je ne crois pas que nous soyons redevables aux épiciers des glacières qui nous procurent, dans les journées torrides de l’été, la délectation de boire à une température sibérienne ou de manger ces délicieuses plombières, ces fromages frappés, que les révolutions de la science gastronomique ont définitivement classés en tête des digestifs les plus sûrs et les plus puissants. Mais il me paraît certain que l’établissement et l’usage des glacières en Alsace sont contemporains de l’arrivée chez nous d’une autre colonie industrielle, italienne aussi, ou à peu près, celle des limonadiers. Le premier café fut ouvert, à Strasbourg, en 1695. Ces institutions se répandirent promptement dans toutes les villes qui avaient des garnisons. Les glacières étaient leur complément nécessaire et naturel. À Strasbourg, elles avaient été établies dans cette partie des remparts comprise entre la rue Sainte-Élisabeth et les Ponts-Couverts[1]. J’ignore où étaient situées celles de Colmar ; cependant la ville avait eu la courtoisie d’en créer, à ses frais, pour l’agrément du premier président du Conseil souverain, du commandant militaire, du commissaire des guerres, du major de la place et du préteur royal. La glacière était une dépendance, une espèce de fief attaché au titre de ces hauts fonctionnaires. Mais il fallait être en activité de service pour avoir le droit de boire frais. On le vit bien quand le premier président de Klinglin prit sa retraite. Son successeur, M. de Boug, eut du même coup son fauteuil et sa glacière ; Mme la première présidente en fut indignée. Elle avait raison : on peut se résigner à ne plus juger, mais non à se priver de glace. Aussi elle porta ses justes doléances devant l’Intendant qui, en homme bien appris, entra d’autorité dans la question. M. de Blair, le grave intendant, écrivit le 26 octobre

  1. Piton, Strasbourg illustré. Faubourgs, p. 94.