Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/249

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d’un grand poids politique, contribua plus que personne au rappel des jésuites en 1604, et se retira, après la mort du roi, à La Flèche, beau et riche collége que les jésuites durent à sa protection, et qu’il partagea avec les bons Pères[1]. On peut lire sa mort plus que singulière dans Saint-Simon. Ce La Varenne tient quelque peu à notre histoire. Il était le bisaïeul de notre premier cardinal de Rohan, du prince-évêque Armand-Gaston de Soubise : la grand’mère de la belle Mme de Soubise était la propre fille de cet heureux cuisinier. Ce La Varenne faillit écarter la famille des Rohan du siége épiscopal de Strasbourg ; quand, en 1700, l’abbé de Soubise fut proposé pour chanoine du chapitre et qu’il fallut prouver seize bons quartiers de pure noblesse, le marmiton du Béarnais projeta une ombre un peu fâcheuse sur le blason du favori de Louis XIV. Mais M. de Camilly, fin Normand et grand-vicaire de l’évêché, aidé de M. de Labatie, lieutenant de roi de Strasbourg, parvint à aplanir cet obstacle généalogique, et les preuves de M. de Soubise, examinées par les « bons Allemands » du chapitre, passèrent[2]. Si les chanoines de Strasbourg eussent été tant soit peu moins complaisants, La Varenne privait l’église d’Alsace du lustre que les Rohan lui ont, dit-on, donné, et faisait presque manquer le dix-huitième siècle dans notre pays.

L’autre exemple remonte plus haut. L’empereur Maximilien Ier, si célèbre dans notre histoire, était si follement abîmé dans les rêveries de la science généalogique, qu’il avait oublié tous les soins et tous les devoirs du gouvernement. Un cuisinier rendit à l’empire le service de rappeler ce grand prince à lui-même. Un jour que Maximilien était absorbé dans ses ténébreuses visions, le bon sens de l’homme de cuisine eut pitié de la torture où se consumait l’esprit impérial, et il l’exhorta à ne pas pousser plus loin cette espèce de recherches, de crainte, disait-il, que Sa Majesté ne trouvât son sang confondu avec celui de son marmiton

  1. Saint-Simon, Mémoires, t. VI, p. 315.
  2. Idem, t. II, p. 78.