Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

s’il continuait à remonter jusqu’à l’arche de Noé[1]. Cette saillie guérit l’empereur, qui depuis régna glorieusement.

Les limites des empires, qui ont tant exercé la patience des géographes et la sagacité des historiens, auraient pu être quelquefois reconnues et déterminées si les savants n’allaient pas tout chercher dans la poudre des greffes et sous la voûte des archives. Tandis qu’on dissertait, doctement sur le point probable où finissait l’ancien royaume de Bourgogne, la borne authentique qui séparait son territoire de celui de l’Alsace se dressait plaisamment dans la cuisine de l’abbaye de Lucelle[2]. J’avertis les savants à venir que s’ils sont un jour en peine de constater la limite entre les départements du Haut et du Bas-Rhin dans le Rieth, ils la retrouveront dans la maison Pfadt au Sponeck.

Si la cuisine a sa philosophie, comme on n’en saurait raisonnablement douter, elle a aussi des superstitions qui lui sont propres. Aucune branche du savoir humain n’a été exempte des erreurs que l’imagination, la crédulité, l’amour du merveilleux se sont plu à répandre sur les rapports de l’homme avec la nature.

Les animaux domestiques ont été associés aux plaisirs de la table. J’ai rapporté que le chien n’avait pas été oublié dans certains règlements colongers. Les chevaux des empereurs, des rois, des princes ne l’étaient point dans les dons de bienvenue à leur arrivée dans les villes ; ils recevaient une copieuse provende d’avoine tirée des magasins municipaux ; les chiens de chasse jouissaient de la curée comme d’un droit naturel qu’il eût été malséant de leur méconnaître. Dans nos campagnes de la Basse-Alsace, si l’on veut assurer un développement prospère au jeune porc que l’on engraisse, on lui donne son premier repas dans la soupière qui sert à la famille[3] ; cet acte le rattache plus intimement à la maison. Voulez-vous que vos poules deviennent d’actives

  1. Zincgref, Teutscher Nation Weisheit, t. Ier, p. 62.
  2. Baquol, Dictionnaire historique de l’Alsace. Supplément, p. 69.
  3. A. Stœber, Der Kochersberg, p. 35.