Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/251

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et précoces pondeuses ? Régalez-les du premier beignet doré et brûlant sorti de la poêle, au carnaval. Nos paysans vosgiens ont un moyen infaillible pour vaincre la nostalgie du bétail et l’accoutumer à sa nouvelle demeure ; on lui donne, le matin, avant la sortie de l’étable, une tartine de beurre tournée trois fois autour de la crémaillère ; mais elle doit être présentée de la main droite[1]. Si l’on veut fixer des poules étrangères dans une nouvelle résidence, on les fait tourner trois fois autour d’un des pieds de la table et on leur donne du pain mâché dans lequel on mêle des parcelles de bois coupé aux quatre coins de la table ; on fait aux environs de Schlestadt la même cérémonie du pied de la table pour attacher les chats à leurs nouveaux maîtres. Pour écarter des bêtes les sorts qui les amaigrissent et les tuent, on place, dans une partie du Sundgau, les racines d’allium victoriale sous le seuil de la porte des écuries[2] ; à Ferrette, rien n’est plus puissant pour bannir les méchants esprits qu’un morceau de plomb bénit cloué dans l’étable[3] ; ailleurs on se borne à placer un balai renversé dans un coin ; dans beaucoup d’endroits on donne aux bestiaux pour compagnon un bouc noir ; en vrai bouc émissaire, qui connaît son rôle, il assume sur lui toutes les iniquités et tous les fléaux ; dans la plupart des villages catholiques, c’est l’image et la prière de sainte Agathe, affichée en sauvegarde, qui éloigne les sorts et préserve des dangers du feu.

Quelquefois les vaches donnent du lait ensorcelé ; on le reconnaît à sa teinte bleuâtre ou rouge ; on fait cesser ce charme malfaisant, en Alsace, en en cuisant une partie entre onze heures et minuit, toutes portes soigneusement closes ; quand le lait bout, on le fouette vigoureusement avec une baguette de coudrier, en invoquant la Trinité ; pendant cette opération on entend des cris suspects ; ce sont les gémissements de douleur de la sorcière qui

  1. Richard, Traditions populaires de la Lorraine, p. 53.
  2. Stœber, Elsäss. Sagenbuch, p. 284.
  3. Idem, p. 6.