Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/253

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Selon l’abbé Buchinger, les poules pondaient avec une abondance particulière quand on mêlait du tuileau pulvérisé aux sons dont on les nourrissait. Il enseignait aussi que les œufs venus dans la lune croissante d’août et ceux du décours de la lune de novembre se conservaient le mieux. Les œufs pondus dans la nuit du vendredi saint avaient le pouvoir merveilleux de faire reconnaître les sorcières. Il suffisait de se rendre à l’église et d’examiner l’assistance à travers un de ces œufs magiques ; le curieux reconnaissait les sorcières à un double signe : au lieu d’un livre d’heures elles tenaient dans leurs mains un morceau de lard, et elles étaient toutes coiffées d’un cuveau à traire[1]. J’ai déjà dit que la chair du lièvre passait pour disposer aux idées mélancoliques ; il faut ajouter qu’elle rachetait cet inconvénient par l’avantage qu’elle avait de maintenir ou de restituer la beauté du visage.

Dans le domaine des végétaux, il ne régnait pas moins de préjugés singuliers. Je ne les citerai assurément pas tous : je ne peux, comme pour les autres, donner qu’un aperçu. On devait planter les haricots pendant la pleine lune, semer les épinards à la Saint-Laurent, à la Saint-Barthélemy, à la Nativité et à la Saint-Mathieu ; les choux cabus réussissaient surtout si on les plantait pendant la pleine lune et le soir ; le porreau, l’ail, le navet exigeaient d’être semés à la lune croissante, les oignons et le persil à la lune décroissante ; le persil, de plus, venait beaucoup mieux si l’on avait de l’argent sur soi en le semant ; il y avait des règles analogues pour faire les diverses récoltes : les pois et les haricots, par exemple, au dernier quartier, les navets à la pleine lune, tous les fruits à conserver sur la fin du cours de l’astre nocturne. Les jours avaient leurs influences décisives. Les samedis de mai étaient souverains pour les grosses fèves, le premier samedi particulièrement. Venait-on à manquer ces journées propices, la Saint-Claude arrivait au secours ; les fèves plantées le jour de la fête de ce saint atteignaient leurs diligentes devancières. Dans les

  1. Stœber, loc. cit., p. 183.