un peu lourde et l’appétit puissant du tempérament germanique, les inspirations du génie de Lacédémone. Ce n’est pas Lycurgue qui aurait songé à rendre un édit, comme celui émané du Magistrat de Strasbourg, en 1659, par lequel il est fait défense aux maîtres artisans, sous peine de 5 livres pfennings d’amende, de rien diminuer sur la nourriture et la boisson de leurs compagnons[1], par forme de correction ou de châtiment ; disposition sage et respectable assurément, mais qui sent le terroir d’Allemagne, où l’on est par-dessus tout attentif à ce que notre pauvre corps reçoive de quoi se soutenir, et aussi un peu de quoi prospérer.
Nous venons de voir comment l’autorité publique s’y prenait pour mettre une sourdine à la gourmandise des bons bourgeois. Et l’appétit des princes, demandera-t-on, quelqu’un se chargeait-il de le dompter ? Ah ! ma foi, les princes du vieux temps, comme ceux du temps présent, aimaient assez de laisser à leurs sujets les avantages de la sobriété et l’honneur d’une bonne discipline, et de garder pour eux-mêmes tous les inconvénients de la bonne chère et de la liberté. Ils faisaient avec une touchante bonhomie tout ce qui leur passait par la tête, et ne rendaient compte de leurs repues souveraines qu’à Dieu. La dignité du sceptre commandait que les choses allassent de cette sorte. L’on jugera, par quelques exemples, comment ils traitaient soit à leurs noces, soit dans d’autres grandes journées.
Quand le palatin Georges de Bavière épousa, en 1475, la princesse Hedwige de Pologne, les fêtes durèrent huit jours, et la cuisine ducale consomma, pour les célébrer, 300 bœufs de Hongrie, 62,000 poules, 500 oies, 75 sangliers, 162 cerfs, 75,000 écrevisses, 160 tonneaux de vin de Landshut, 200 tonneaux de vin du Palatinat et 70 barriques de vin de France[2]. Je comprends qu’un tel prince ait reçu de l’histoire le surnom de Riche, mais on peut douter que sous un tel régime son peuple le soit devenu.