Page:Gérard - L’Ancienne Alsace à table, 1877.djvu/286

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tout autres. « Le 17 janvier 1664, S. A. S. Georges traita au chasteau MM. les conseillers. Le lendemain il traita aussi MM. les Neuf-Bourgeois de la ville, y estant présent M. Frischmann (le résident de Louis XIV) de Strasbourg. On y a tiré plus de 80 coups de canon[1]. » Dans ce festin, ce qui frappe l’artisan, le petit plébéien, c’est le bruit de l’artillerie, le vacarme militaire. Gœthe a les sensations d’un peintre, Bois-de-Chêne l’ébahissement d’un bon bourgeois. J’aime mieux Bois-de-Chêne quand il nage en plein dans son gros patois de Montbéliard et qu’il écrit tout juste comme s’il eût conversé avec son voisin sur le pas de sa porte. Alors, du moins, il nous apprend quelque chose. « Le 4 de féburier (1664) S. A. a traité aussi au chasteau la moitié de MM. les Dix-Huit, et le samedy suivant sont esté traitéz l’autre moitié où qu’ils ont fait Gouterding. » Voilà un mot bien hasardé, moitié rabelaisien, moitié huguenot et entièrement montbéliardais, pour exprimer la bonne chère et la bombance.

Nous nous sommes un peu écartés de la matière somptuaire ; j’y reviens.

Le Conseil souverain d’Alsace fut aussi forcé de faire sentir son autorité pour redresser des abus qui s’étaient introduits dans le mode de gestion de certaines affaires administratives. En 1682, le procureur général exposa que les habitants et communautés des villages qui doivent les dîmes font préparer un festin lorsqu’on les met à l’enchère. Cette repue, qui doit être payée par le preneur des dîmes, monte à des sommes considérables et consomme une partie des dîmes qui devrait plutôt être employée aux réparations des églises. Le Conseil pensa que le procureur général avait raison et établit une amende de 100 livres contre les contrevenants[2]. À partir de là on paya la dîme sans jouir des douceurs que le bon sens des rustres avait réussi à prélever sur elle.

  1. Bois-de-Chêne, Chronique, année 1664.
  2. Corberon, Recueil d’ordonnances du Conseil souverain d’Alsace, p. 146.